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Le poids économique de la pêche récréative

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pêcheur sur la plage de la Tamarissière - Agde

Une étude scientifique publiée en 2017 (passée relativement inaperçue) par des chercheurs du Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) s’intéresse au poids de la pêche récréative à l’échelle européenne. Ces travaux nous proposent des résultats intéressants et surprenants, sur le nombre de pêcheurs récréatifs, les dépenses qu’ils effectuent dans le cadre de ce loisir, l’impact sur l’environnement que peut avoir cette activité…

Quelques semaines après que la Commission européenne ait par exemple annoncé des restrictions pour la pêche du bar (restrictions qui impactent fortement la pêche récréative), l’objectif de cet article n’est certainement pas d’alimenter les tensions entre les différentes catégories de pêcheurs. Il s’agit au contraire de dépassionner ce débat, en tentant d’apporter des éléments scientifiques concrets, pour nous aider à mieux appréhender les différents impacts de l’activité humaine sur nos ressources.

Objectifs et réalisation de l’étude

Le CIEM est un « organisme intergouvernemental […] qui fédère le travail de 1600 scientifiques venant principalement des 20 pays membres riverains de l’Atlantique nord » (lire cette page du site de l’IFREMER pour quelques informations plus précises).

Les scientifiques ont compilé toutes les données disponibles et collectées depuis 2001, afin d’estimer les différents impacts de la pêche récréative à l’échelle européenne. Des programmes de collecte de données halieutiques ont été réalisés, des enquêtes ont été menées auprès des pêcheurs récréatifs. Des estimations sont ensuite réalisées sur la base de ces données collectées. Les scientifiques ont été confrontés à certaines difficultés pour réaliser ces travaux : les méthodes de pêche utilisées sont nombreuses, les façons de collecter les données varient d’un pays à l’autre (il existe rarement un registre de pêcheurs ou des permis de pêche en mer), cette activité est pratiquée sur de vastes étendues. Après 2 ans d’efforts impliquant une cinquantaine de scientifiques à travers l’Europe, une synthèse de cette étude vient donc d’être publiée dans la revue Fish & Fisheries, dont les principaux éléments méritent d’être portés à l’attention des pêcheurs.

Le poids économique important de la pêche récréative

Le premier constat est que la pêche récréative doit vraiment être considérée comme un secteur économique à part entière. Les scientifiques ont estimé le nombre de « pêcheurs récréatifs » en Europe, qui serait de l’ordre de 8.7 millions. En France, on dénombrerait ainsi 791 000 pêcheurs sur les côtes atlantiques, et 528 000 pêcheurs sur la façade méditerranéenne. Chacun de ces pêcheurs français pratiquerait la pêche en moyenne 6.79 jours par an. Un chiffre moyen donc : entre celui qui pratique une fois par an en vacances, et le plus féru d’entre nous qui se rend au bord de l’eau plusieurs fois par semaine (environ une centaine de fois par an).

Les différentes enquêtes menées par les chercheurs ont également permis d’évaluer les dépenses des pêcheurs liées à cette pratique de la pêche. Près de 785 millions d’euros seraient ainsi dépensés en France chaque année pour cette activité (471 millions d’euros pour la pêche côté Atlantique, 314 millions pour le versant méditerranéen). Il est estimé qu’en moyenne le pêcheur récréatif français dépense 595 € par an. A l’échelle européenne, ces dépenses s’élèveraient à 5.9 milliards d’euros. 

Pour les autres pays d’Europe, quelques chiffres méritent d’être relevés. A titre d’exemple 33 % de la population norvégienne et 31.5 % de la population islandaise sont considérés comme étant des pêcheurs récréatifs (il s’agit du « taux de participation », évalué à 2.06 % pour la France). Un pêcheur portugais irait à la pêche près de 37 jours par an, un pêcheur espagnol serait au bord de l’eau environ 30 jours par an. Concernant les dépenses effectuées pour cette activité, nos amis britanniques se distinguent : un pêcheur récréatif irlandais dépenserait plus de 1600 € par an, ses voisins du Royaume Uni plus de 1700 € par an.

On comprend bien que ce secteur d’activité soutient des milliers d’emplois en France et à travers l’Europe.

pêcheur au Grau d'Agde
Pêche au Grau d’Agde © Travelers & Fish

Des résultats surprenants

Mais d’autres conclusions de ces travaux sont bien plus étonnantes. Un chiffre en particulier a retenu mon attention : 27 %. Il s’agirait du pourcentage de captures de bar commun imputables à la pêche récréative dans la zone Manche et mer du Nord. Ce chiffre semble toutefois énorme. Si l’étude concède une forte incertitude concernant ce résultat, et même si ces 27 % constituaient une fourchette haute des prises de bars des pêcheurs récréatifs, on peut penser que la pêche récréative impacte significativement les stocks de poissons.

Quelques précisions sur les hypothèses prises par les chercheurs, ayant abouti à ce chiffre de 27 %. Les scientifiques ont estimé (à partir de données datant de 2012) que le taux de remise à l’eau des prises était de 20 %. Compte tenu de l’évolution des mentalités des pêcheurs récréatifs de plus en plus conscients de la fragilité des milieux naturels, et en prenant en compte les restrictions des dernières années déjà imposées aux pêcheurs récréatifs, il est quasiment certain que le taux de remise à l’eau est aujourd’hui bien supérieur à 20 %.

D’autre part, le taux de survie des bars remis à l’eau par les pêcheurs récréatifs n’est pas connu : aucune étude n’a été spécifiquement dédiée à ce sujet. En l’absence de certitude sur ce point, les chercheurs ont pris comme hypothèse que 100 % des bars remis à l’eau survivaient. Dans ce cas, ce paramètre est donc surestimé.

De nombreuses autres espèces de poissons sont suivies par les chercheurs et ont fait l’objet d’estimations sur cette étude pour comprendre quel était l’impact de la pêche récréative sur les stocks de poissons : l’anguille, la truite de mer, la morue, le lieu jaune, le saumon Atlantique, le thon rouge de l’Atlantique, ainsi que certaines espèces de requins.

Conclusion

Si certains résultats de ces travaux semblent à analyser avec précaution, des tendances lourdes et significatives restent intéressantes à souligner. L’impact de la pêche récréative sur les populations de poisson n’est pas neutre, mais il faut aussi garder à l’esprit que cette activité pèse lourd dans l’économie française, avec un nombre de pratiquants très important et des dépenses associées non négligeables.

Il est intéressant de prendre connaissance de ce type d’études, pour comprendre comment elles sont réalisées et si leurs résultats semblent pertinents ou pas. A nous tous pêcheurs de contribuer à rendre ces travaux plus réalistes et proches de la réalité, en donnant notre avis sur leurs résultats, ou en alimentant les chercheurs avec des données fiables. Mais surtout, à nous tous pêcheurs de faire entendre nos voix, afin que nos ressources halieutiques puissent être gérées de manière plus cohérente et concertée.


La synthèse de cette étude peut se télécharger ici :

http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/faf.12251/epdf.

Nous tenons à remercier Manuel Bellanger — Unité Mixte de Recherche AMURE, IFREMER — qui a pris le temps de répondre à nos nombreuses questions sur le sujet !!

La pêche récréative (cette expression n’est pas facile à définir) : il s’agit de la pêche qui ne nécessite pas de licence de pêche professionnelle et pour laquelle la vente de captures est interdite. La pêche récréative englobe donc la pêche du bord, la pêche de loisir en bateau, la pêche sous-marine, mais également la pêche au filet, à la palangre ou au casier (selon les réglementations locales).

2 réflexions sur « Le poids économique de la pêche récréative »

  1. Bonjour,

    Merci d’avoir mis à disposition cette étude très intéressante.

    L’étude recense donc plus 1,3 millions de pêcheurs français sur les côtés.

    Doit-on rajouter additionner cette population aux 1,5 millions qui pêchent en eau douce et qui disposent d’une carte de pêche ou s’agit-il de 2 populations différentes?

    Merci d’avance pour votre réponse

    1. Bonjour, il est difficile d’estimer le nombre global de pêcheurs : il n’y a pas à ma connaissance d’études sur ce sujet… Parmi les 1.3 millions de pêcheur en mer, il y a des pêcheurs qui achètent la carte et pêchent également en eau douce… La Fédération Nationale de la Pêche en France a recensé 1.5 millions de pêcheurs en eau douce en 2017 (https://www.federationpeche.fr/2313-chiffres-cles-2017-de-la-peche-en-france.htm) : ces chiffres sont très précis, ils reposent sur le nombre de cartes vendues. Donc il n’y a pas 2.8 millions de pêcheurs en France, mais difficile d’avoir un chiffre global exact !!

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